Un référendum qui joue les « Arlésiennes »
Faisant suite aux accords de Matignon de 1988, les accords de Nouméa signés en 1998 prévoient qu’un référendum d’autodétermination sur l’indépendance soit organisé en Nouvelle-Calédonie entre 2014 et 2018. Les trois partenaires signataires de cet accord – indépendantistes, non-indépendantistes qui se désignent sous le nom de loyalistes et Etat français – ont donc mis en place un processus de transfert de compétences entre l’Etat français et les nouvelles institutions calédoniennes (Congrès et gouvernement calédoniens). Si l’autonomie acquise par la Nouvelle-Calédonie est irréversible, vers quel nouveau statut s’achemine-t-on aujourd’hui ? Où en est exactement la feuille de route du processus de décolonisation de cette île océanienne passée sous la domination française en 1853 ?
Le 24 septembre 1853, la France prend officiellement possession de cet archipel du Pacifique à 17 000 kilomètres de l’Hexagone habité depuis plus de 3 000 ans par un peuple mélanésien qu’elle désigne alors sous le nom de « canaque ». L’administration coloniale n’accorde aucune place à ces insulaires autochtones considérés comme des sauvages voués à disparaître. Tout au long du 19e siècle, des colons français cherchent à produire des cultures d’exportation (café, coton…) ou se lancent dans l’exploitation minière (chrome, nickel). Une colonie pénitentiaire est également mise en place par décret en 1863. Cantonnées dans des réserves jusqu’en 1918, des tribus kanak se révoltent à plusieurs reprises (1878, 1917). Entre le 19e et le 20e siècles, des ouvriers asiatiques et océaniens (japonais, vietnamiens, wallisiens…) sont recrutés pour travailler dans les mines. Certains d’entre eux s’installent sur l’île aux côtés des familles d’anciens colons français libres ou déportés appelées « caldoches ». Au 20e siècle, l’émigration en provenance de la France se poursuit de manière sporadique. Au cours des années 60, un mouvement indépendantiste kanak émerge et la fin des années 1980 est marquée par de violents et dramatiques affrontements. Le calme revient en 1988 avec la signature des accords de Matignon-Oudinot entre indépendantistes, non-indépendantistes et Etat français. Depuis ces « événements », la Nouvelle-Calédonie se cherche un avenir entre avancées émancipatrices indéniables et crises récurrentes.
Tout en accordant du crédit aux trente dernières années de dialogue pacifié sur l’île, on peut tout de même relever que la date de consultation des Calédoniens sur la question centrale de l’accès à la souveraineté n’a toujours pas été fixée… Cette compétence relève aujourd’hui du Congrès de Nouvelle-Calédonie mais, en l’absence de décision de sa part, l’Etat français sera obligé d’organiser la première phase de ce référendum au plus tard en novembre 2018. La date de ce référendum réclamé pour la première fois en 1983 par le mouvement indépendantiste kanak a déjà été repoussée à deux reprises par la signature des accords de Matignon et de Nouméa.
Le report incessant de cette échéance cruciale interroge. La feuille de route de la décolonisation en cours répond-elle aux revendications du peuple kanak ? En effet, si la Nouvelle-Calédonie peut tirer un bilan globalement positif de son rééquilibrage politique, la situation sur le plan économique et social est moins satisfaisante. Des institutions, bien que mises en place par la voie statutaire, seraient inefficaces sans l’adhésion de toutes les populations concernées à la construction d’un pays commun. Aussi est-il nécessaire que cette construction soit bien équilibrée, sans laisser personne au bord du chemin. Enfin, qu’en est-il des relations de la Nouvelle-Calédonie avec son environnement océanien ? Sa capacité à construire sa souveraineté étant liée au renforcement des interdépendances régionales.
* Artículo publicado originalmente en Ritmo. Compartido bajo Licencia Creative Commons.